Sorti le 27 juin 2001, «Karmen Gei» est un film dramatique réalisé par Joseph Gai Ramaka. Produit par Richard Sadler, ce long métrage a défrayé la chronique dès sa sortie. Depuis lors, il est censuré au Sénégal. Mais pourquoi «Karmen Gei» a causé un scandale dès sa sortie ? Dakar Mov vous donne, dans cet article, les réponses à cette question.

L’argument de «blasphème» soutenue par les Mourides

Samedi 8 septembre 2001, Dakar est sous le choc ! Des dizaines de talibés Mourides ont envahi la salle de cinéma Bel’art où le film «Karmen Gei» devait être projeté. Armés de toutes sortes d’armes blanches, ils ont mis à sac cette salle de cinéma, détruit tout le matériel de projection et ont menacé d’intenter à la vie du réalisateur. En plus, ils ont réclamé et obtenu la non diffusion de «Karmen Gei» dans toutes les salles de cinéma au Sénégal.

Comme explication, les Mourides avaient soutenu qu’il n’est pas possible d’enterrer une personne dite «chrétienne» avec une chanson religieuse musulmane. Pire encore si cette personne est reconnue homosexuelle.

En effet, le film présente longuement la scène de l’enterrement de la directrice de prison. Lesbiennes et de religion chrétienne, elle était décédée dans des circonstances tragiques. Et par Malheur, le réalisateur avait superposé le chant de Cheick Amadou Bamba, le leader religieux des Mourides sur la scène d’enterrement de cette dernière. Ce qui a heurté profondément la sensibilité de ses adeptes. Avec le soutien d’un député la République, ce mouvement des Mourides a eu raison de succès de «Karmen Gei» en Afrique. En effet, les sorties dans d’autres pays comme le Mali et la Côte d’Ivoire ont été interdites.

Karmen Gei

L’argument de la «provocation»

Adoption africaine du film «Carmen» réalisé par Prosper Mérimée et l’Opéra de Bizet, «Karmen Gei» a présenté des scènes assez provocatrices. Des scènes d’amour détaillées et très intimes parfois entre deux femmes. Elles ont été largement décriées par les traditionnalistes adeptes de la «pudeur».

De fait, la plus choquante serait la scène de nue. Cette scène qui s’étale sur quelques minutes présente toutes les courbes féminines de Djeinaba Diop, qui incarnait le rôle en question. Dans la scène elle est accompagnée d’une actrice canadienne et les deux sont pratiquement nues. Cette scène a été taxée de «choquante» par le public sénégalais constitué à 90 % de musulmans. Religion qui censure sans pitié les écarts de pudeur. D’ailleurs dans une interview faite par Aminatou AHNE et Néné Jupiter Ndiaye et publiée sur Xalima.com, Djeïnaba parle avec regret de cet épisode de sa vie. Elle affirme que la scène n’était pas inutilement prévue dans le scénario. « Si c’était à refaire, je ne l’aurais jamais refait. Si on me donne un scénario avec la scène décrite même parcellaire, je ne l’aurais pas fait» a-t-elle affirmé une dizaine d’années après la sortie du film.

Malgré cette agitation autour de certaines scènes du film sénégalais «Karmen Gei», ce film est un chef d’œuvre dans l’ensemble. Il détient un palmarès de plusieurs prix de reconnaissance dans le milieu du cinéma en Europe et une nomination au festival de Cannes. Ce long métrage est actuellement disponible sur YouTube.